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Futurs du monde islamique; étude du futur :
09/07/2006 22:46
I. Importance des études du futur
Permettez-moi, puisque notre sujet concerne le futur de l'Islam de clarifier quelques concepts islamiques. En Islam il y a une très nette distinction entre "El-ghaib" qui est du ressort de Dieu qui seul connaît l'inconnu, et le "mystère", d'une part, et la notion du futur dans le sens où nous l'utilisons dans la prospective, c'est-à-dire une projection dans le temps des conséquences de nos actions et inactions d'aujourd'hui. Il ne s'agit ni de prophétie ni de divinations.
Le mot "mustaqbal" (futur) ne se trouve pas dans le Coran mais on trouve le mot "mustaqbil" un de ses dérivés :
"Puis, voyant cela comme un nuage se diriger vers leurs vallées, ils dirent : "Voici un nuage, il va pleuvoir". "Au contraire ! c'est cela même que vous cherchez à hâter : un vent, et défend, un châtiment douloureux" (Al-Ahcâf, 24).
Le Coran est plein de références aux notions qui ont trait à la vision et à l'avenir ("rou'iya", "ennadra"...)
"Ho, les croyants! Craignez Dieu. Que chacun considère ce qu'il a préparé pour demain!" (Al-Hachr-18).
"N'ont-ils pas considéré le super-royaume des cieux et de terre et toute la chose que Dieu a créée et que peut-être leur terme est déjà proche ? Par quel discours croiront-ils donc, après cela ?" (Al-Aaraf-185).
"Et de ce qu'ils prévariquaient, la Parole leur tombera dessus. Ils ne parleront donc point. N'ont-ils pas vu qu'en vérité Nous avons désigné la nuit pour qu'ils aient repos, et le jour pour voir ? Voilà bien là les signes, vraiment, pour des gens qui croient! Et le jour où l'on soufflera dans la Trompe! Puis ils seront effrayés, tous ceux qui sont dans les cieux et tous ceux qui sont sur la terre, -sauf qui Dieu veut! Et tous viendront à lui en s'humiliant.
Et tu verras les montagnes ! Tu les compteras pour figées, alors qu'elles marcheront de la démarche du nuage. Fabrication de Dieu, Lequel perfectionne toute chose. Il est bien informé, vraiment, de ce que vous faites". (Les fourmis, 86-88).
Toutes ces Sourates lancent des appels pour profiter du présent tout en oeuvrant avec perspicacité pour l'avenir, cet avenir est à la fois l'au-delà et la vie ici bas.
Quant au mot "el-ghad" (demain), il est cité cinq fois dans le Coran et l'utilisation de la forme du futur dans les verbes y est assez fréquente :
"Que chacun considère ce qu'il a préparé pour demain". (Al-Hachr-18). "Envoie-le demain avec nous faire une promenade au pâturage, et jouer, cependant que nous serons pour lui des gardiens" (Youssouf-12). "Et ne dis jamais, à propos d'une chose : oui, je vais faire cela demain". (El-Kahf-23).
"Et personne sait ce qu'il s'acquerra demain, et personne ne sait dans quelle terre il mourra" (Lucman-34).
"Demain, ils sauront qui est le grand menteur, l'insolent". (La Lune-26).
Il y a lieu de constater qu'au moment où le premier verset, comporte un appel clair à l'exploration du futur pour consolider la foi du croyant et lui éviter toute surprise, le troisième et le quatrième versets rejettent toute forme de prophétie ou de divination.
Si l'on se penche sur les versets du Coran précités, on comprendra qu'ils appellent à éviter de prophétiser une image unique de l'avenir et de prétendre le connaître d'avance. Quant au fait de projeter une multitude de conceptions du futur, c'est ce à quoi nous sommes appelés à oeuvrer afin de prévenir le mal et d'arriver au bien-être auquel nous aspirons; le futur est donc pluriel et ouvert.
Je pense que l'Islam est en soi une "vision" à la fois de ce monde et de l'autre monde. Il comporte un message dynamique basé sur le changement (ettaghiyir) -un changement dont l'initiative, dans les domaines politique, économique, social et culturel, revient à l'homme qui est maître de son devenir. Le changement est en effet une nécessité pour un avenir meilleur et la parole de Dieu est claire à ce sujet : "En vérité, Dieu ne change rien en un peuple, tant qu'ils n'ont rien changé en eux-mêmes" (Ar-ra'd-13 : verset II).
Il y a donc lieu d'éviter une autre confusion concernant le concept de "bid'a" (hérésie) signifiant une transformation et une violation des fondements spirituels de l'Islam, d'une part et le changement en tant que facteur dynamique de toute société vivante qui ne saurait se faire sans innovation (ibda'). Toute matière vivante qui ne change pas meurt, il en est ainsi de l'être humain et de la société. Ceux qui craignent le changement, le font, non pas pour des raisons de culte, mais pour des motifs d'ordre social car ils ont des privilèges à conserver. Ceux-ci ont toujours tendance à s'opposer au changement en invoquant l'hérésie.
La régression du Monde islamique et tous les malheurs qui en découlent peuvent être attribués à ce conservatisme qui a étouffé l'innovation, l'imagination et la créativité à partir du Xème et XIème siècle quand des soi-disant doctes ont "fermé" la "porte" de l'Ijtihad (recherche).
Comment rattraper ce retard ? C'est en cherchant à répondre à une pareille question que l'on découvre toute l'importance de l'étude du futur qui nous force à lire les "horizons". Dieu n'a-t-il pas dit :
"Nous leur montrerons bientôt nos signes, dans l'Univers et en eux-mêmes, jusqu'à ce qu'ils voient clairement que ceci est la vérité. Ne suffit-il pas que ton Seigneur soit témoin de toute chose ?" (Fuçaylat-41 : Verset 53).
Le Prophète Sidna Mohammed regardait toujours devant lui et ne se retournait jamais en arrière. l'Islam en tant que religion et société est avant tout un regard porté sur l'horizon, pour les questions de ce monde et de celles de l'au-delà. Car c'est de ces regards que dépendent les actions pour lesquelles nous sommes responsables auprès de nous-mêmes, de la société et de Dieu. Toute l'action humaine sur le plan religieux et social, en Islam, est guidée par les conséquences de cette action à la fois sur terre et lors du jugement dernier. Elle implique une intégration du futur dans l'acte quotidien.
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