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Futurs du monde islamique
09/07/2006 22:26
h) L'absence de l'État de Droit et des libertés publiques
Les pays musulmans, dans leur ensemble, sont caractérisés par la tyrannie et l'accaparement du pouvoir. L'opinion est muselée et la personne humaine étouffée. Comment voulez-vous disposer d'un climat propice au développement de la recherche scientifique nécessaire au progrès, et à l'édification de la civilisation dans un tel environnement chargé de répression, d'atteintes aux libertés, et d'insulte à la dignité ? Le droit à la liberté d'expression, d'innovation, de création, le droit à différence et à la liberté de diffusion des idées ne saurait être assuré que grâce au respect des droits de l'homme et au règne de l'État de Droit.
i) La médiocrité de la situation réservée à la femme dont on ne reconnaît pas le droit important et essentiel à l'édification de la société. Ce faisant nous nous sommes condamnés à paralyser la moitié de la société dans son droit à l'épanouissement et nous avons ainsi commis le crime d'immobiliser les énergies et les cerveaux de plus de 500 millions d'âmes. Le sous-développement qui règne aujourd'hui dans la société musulmane a, pour une grosse part, pour origine la marginalisation du rôle de la femme. Puisque nous parlons de l'Islam et de son avenir, nous devons préciser qu'il est honteux que certains ignorants continuent à véhiculer des mensonges concernant la femme et qui remontent à une époque révolue qui fut caractérisée par la faiblesse, l'indolence et par des luttes interminables pour le pouvoir.
N'étant pas un spécialiste de la science islamique, je me suis renseigné auprès de gens compétents en la matière sur le statut de la femme en Islam. Ils m'ont affirmé que de nombreux falsificateurs et imposteurs ont forgé des textes de hadith que certains "doctes" répètent jusqu'à nos jours défigurant ainsi le vrai visage de l'Islam et faisant obstacle par ces contrefaçons à l'avènement d'un avenir prospère de leur société.
Parmi ces mensonges, citons celui qui conseille de consulter les femmes, mais de ne pas faire cas de cette consultation. Les spécialistes de la science du hadith affirment que ce soi-disant propos attribué au prophète n'est qu'un pur mensonge. Un autre hadith forgé pour la circonstance et qui a été répandu par les tyrans et les faux savants qui voulaient tenir en laisse les énergies de la communauté musulmane prétend que la fille du prophète a consulté son père pour savoir ce qui conviendrait le mieux à la femme et que le prophète aurait répondu ceci, "qu'elle ne voit aucun homme et qu'aucun homme ne la voie!".
Il s'agit là d'un hadith fictif, forgé de toutes pièces, comme disent les spécialistes et qui ne saurait nullement être attribué au prophète, surtout qu'il est en contradiction flagrante avec les textes coraniques.
En nous référant aux ouvrages spécialisés du hadith et aux hommes de la science de la Tradition, nous remarquerons qu'un nombre important de femmes étaient des juristes du droit musulman, des transmetteuses de hadith, des combattantes de la foi ayant participé au Jihad, et assumé d'autres fonctions aux côtés des hommes. Nous pouvons en citer à titre d'exemple : Karima bint Ahmed de Merw, qui pouvait réciter tout le corpus du "Sahih d'Al Boukhari" et qui reçut pour sa connaissance par coeur de ce corpus les louanges du commentateur de Al Boukhari, Hafidh Ibn Hajar d'Askalon qui l'a citée dans son ouvrage "al Fath al Bari".
Je ne voudrais pas trop insister sur ce sujet, mais je souhaiterais cependant que les éminents savants présents ici puissent éclairer l'assistance sur les traditions prophétiques qui appellent à honorer la femme, à la considérer comme l'émule de l'homme aussi bien dans les choses de la religion que dans les rapports de la vie matérielle.
La preuve de la marginalisation de la femme, c'est sa quasi absence dans ce colloque. Je n'ai pas arrêté d'insister auprès des organisateurs de cette manifestation pour que la femme y soit qualitativement et quantitativement bien représentée, car notre sujet concerne l'avenir de l'ensemble de la communauté islamique. La vision de l'avenir est une tradition en Islam. Le prophète, avant sa mort, au cours du pèlerinage de l'Adieu, adressa ses conseils à la communauté en ces termes : "Je vous recommande de traiter convenablement les femmes". Est-il donc convenable de maintenir la femme dans l'ignorance, de minimiser son rôle, et mieux encore, d'essayer de l'éliminer presque totalement de la vie publique quotidienne. De quel droit ?
J'attire l'attention des grands savants ici présents, en proclamant tout haut qu'aucun espoir n'est possible pour les sociétés musulmanes sans la participation positive de la femme à qui la religion a assuré tous ses droits. Le problème est beaucoup plus d'ordre socioculturel que religieux. Il devrait être la priorité de nos priorités, au cas où nous voudrions sérieusement assurer l'avenir de la communauté de l'Islam, l'épanouissement de toutes nos énergies et l'encouragement de nos initiatives pour la compréhension des problèmes actuels et futurs. Il est à souligner que la situation de la femme est encore assez mauvaise dans l'ensemble du monde. Le statut de la femme dans les pays sous-développés est à la fois un indicateur est une preuve du lien intime qui existe entre le développement économique et socioculturel, d'une part, et la sauvegarde des droits et de la dignité de la personne humaine, d'autre part. Au sein du Tiers-Monde et du monde islamique, c'est le monde arabe comme je l'ai souligné plus haut qui est le plus sous-développé dans les domaines de l'alphabétisation, de l'enseignement et de la recherche scientifique.
La question du statut de la femme dans la société musulmane, et plus particulièrement dans le monde arabe, pose des défis certains qui nécessitent des analyses sociales sérieuses, une autocritique ferme et un "Ijtihad" (recherche) hardi. Nous devons revenir à la source afin de réviser, à partir d'une nouvelle lecture du Coran, nos réflexions et en comprendre sans ambiguïté les finalités, les objectifs et les priorités qui en découlent afin de pouvoir trouver, à court et à moyen terme, les solutions efficaces aux problèmes de plus en plus aigus du fait de l'accélération de l'histoire.
Je suis convaincu que le problème de la femme dans le monde musulman est un des plus importants que nous affrontons à l'heure actuelle. Nous nous devons de lui trouver des solutions rapides avec la participation des forces vives de nos sociétés et sans poser pour cela à la femme, l'égale de l'homme, une quelconque condition préalable.
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